Danse

Dans le cadre de l’exposition collective C’est pour mieux te manger, Abbaye de Léhon, Aout 2016.

A tout moment, on est côté bourreau, côté victime ; rien n’est stable, rien n’est acquis.

Je fais une peinture de narration, figurative et fictionnelle.

A travers mes images, j’interroge le monde et les relations humaines. Je ne cherche pas à documenter ces derniers ou ne peux pas le faire. Mais, sûrement , mon travail est une réponse à la surenchère d’images et faits divers insoutenables reçus tous les jours.

J’utilise la série comme procédé de création qui entraîne à jouer du ressassement , de la reprise comme procédé cathartique, comme une aide à l’oubli.

Je ne représente pas la violence de la nature humaine mais j’essaye de la suggérer. Cette violence insidieuse de l’inconséquence, de l’indifférence, celle de l’égoïsme. La violence qui engendre un manque, une béance, un vide et la peur.

Je pense aux « images incurables », séries des années 72-74 de J. Monory dans lesquelles il rapporte la notion de violence, d’aveuglement à cet état incurable de la vie.

Mes images révèlent un monde grinçant , empreintes d’une légère distance critique. La distance est travaillée par l’emploi du fantastique. Ce fantastique se manifeste notamment par des personnages imaginaires : l’espèce de Mickey, déguingandé (certains y voient un singe), hilare et faussement innocent ; les corps féminins, sorcières aux poses obscènes et aux rires grotesques (en les faisant, je pense à celles de Goya). Sorcières atemporelles dont l’évanescence de leur chair est représentée par l’aquarelle.

Les rires de ces personnages et leur gouaillerie exacerbent le vide, la perte en creux.

Ces sorcières , de l’étrange incarné. Elles sont porteuses de nos violences potentielles. Elles sont la peur peut-être même.

Les paysages aux couleurs acidulées.Les paysages comme des scènes de crime, dans lesquels quelque chose s’est passé: le spectateur fait un constat. Les paysages aux fleurs, aux palmiers, sont faussement idylliques, faussement calmes ; pas de sérénité. Les fleurs ne disent plus le rêve, les palmiers ne disent plus la chaleur. Des vies explosent. Dans Paysage incandescent I et II par exemple, cette lumière irradie avec odeur de soufre ou de napalm. Quelque chose a été soufflé.

Les paysages peuvent même explosés : l’énergie de leur explosion fait écho aux folies destructrices de l’homme. Où la destruction de la nature serait la métaphore de l’anéantissement de l’homme.

Dans les grands formats Les 2 compères I, II et III, j’exploite la peinture de telle façon que l’énergie du geste qui salit, balafre, barre, fait gicler et dégouliner, me permette d’évoquer encore cette violence.

Les paysages sont vidés de présence humaine. Les paysages ont bien été abandonnés : quelqu’un a été, a vécu là ; en attestent des fanions multicolores, signes positifs , festifs et universels. Ces fanions sont la seule trace, la mémoire de présences insouciantes. Ces fanions évoquent les joies simples, les petits bonheurs qui ne sont plus. Paradis perdus.

M. Lavigne, Lannion 2016.

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