Texte tiré de Contemplation “Les passants qui courent” de Kafka, :
Lorsque l’on est à se promener la nuit dans la rue et que, visible déjà de loin – car la rue monte devant nous et c’est la pleine lune-, un homme arrive vers nous en courant, nous n’allons pas lui mettre la main dessus, même s’il est malingre et en haillons, même si quelqu’un court derrière lui en criant, mais nous le laisserons courir.
Car il fait nuit,et nous n’y sommes pour rien si la rue, sous la pleine lune, s’élève devant nous, et de plus peut-être que ces deux-là ont organisé cette course pour se distraire, peut-être en poursuivent-ils tous deux un troisième, peut-être que le premier est un innocent que l’on poursuit, peut-être que le deuxième veut commettre un meurtre, et nous deviendrions complice de ce meurtre, peut-être que tous deux ne savent rien l’un de l’autre et que chacun court simplement de sa propre initiative pour aller se coucher , peut-être que ce sont des somnambules, peut-être le premier est-il armé…
Et en fin de compte, n’avons-nous pas le droit d’être fatigués, n’avons-nous pas bu un peu trop de vin ? Nous sommes contents quand nous n’apercevons même plus le deuxième.
Ernst a son Loplop, un oiseau au plumage jaune, fétiche.
Pour ma part, « Loplop » serait le Lapin bleu, fidèle, réconfortant, bien plus lucide que l’homme.
Il est là, toujours, en état de veille, en état d’alerte dans le monde qui tourne très vite et affole.