Dans le paysage,une mémoire affective éclabousse le lieu… Un oubli taraude…
Travail en cours, engagé depuis février 2017: dessins et textes sur papier aux techniques (Bic, pastel gras, pastel sec, crayon graphite…)et formats divers.
Une nouvelle série qui prend de l’ampleur. Toujours ce besoin de «triturer», d’«épuiser» le sujet…
J’invente des paysages: des étendues d’herbes hautes, des champs, clôturés au loin par quelques bosquets. Un espace bucolique, image d’Épinal, de quiétude , de sérénité, d’isolement, de vacance. J’ai «planté»le décor, toujours le même ou presque.
Cet espace est occupé par un drap blanc,étendu, suspendu. Ce drap pourrait être le linge de quelque lessive quotidienne, familière.
En lien avec mon travail de dessin, j’effectue une recherche de textes d’auteurs ( A.Camus, G. Bataille, N. Rykiel,O. Lalo,C. Delaume…), dans lesquels il y a le mot maman.
Maman, la mère, en plus intime, la mère dotée d’une charge affective. Ce terme m’attire pour la notion de proximité et d’éminente pudeur qu’il sous-tend. Maman, la mère, bénéfique et protectrice selon les mots de Louise Bourgeois.
Je travaille les textes trouvés en biffant certains mots et éléments de ponctuation pour trouver un nouveau texte, un autre sens, avec pour règle de respecter l’ordre du texte original. Pour jouer d’une double lecture, ce dernier reste lisible, barré légèrement. Texte à double entrée, à double voix, l’autre et soi.
Entre dessins et textes, je cherche une résonance, une évidence d’écho.
Dessins et textes se poursuivent.
En même temps, je cherche une image plastiquement évanescente, floue : pour çà,le trait du Bic est perçu sur l’envers ou le pastel sec est transféré…
Écho. Le paysage est alors habité, ou entravé, par le drap.
De rares fois, le drap est la cabane d’enfance, élément protecteur,un espace dans l’espace. Ou, semi-opaque, il donne à voir des silhouettes en ombre chinoise.
Parfois, ce dernier semble se mouvoir dans la figure du fantôme.
Surtout, le drap devient élément plastique, fenêtre vierge,percée blanche, béance. On ne retire pas le drap : il est là. Le drap ouvre un autre espace.
Le drap est écran. Le drap est le motif qui appelle la figure. Quelque chose doit se «révéler».
Il est réceptacle d’images en latence.On fait apparaître ou naître, sur lui, à travers lui, des images; on se projette. Ces images sont volatiles.
Le drap est la condition d’un « hypothétique surgissement que la conscience suppose ou désire ».Il a une fonction mnésique ou fantasmagorique.
Je poursuis un corpus de dessins et textes dont je veux que tous se répondent: je projette ce travail comme un ensemble d’images qui envahit le mur du sol au plafond.
Myriam Lavigne, 2017