Grande vague

 

Une forme abstraite, à la matière lourde, noire et fluide, s’étire sur la surface. Elle est vivante.

Elle dessine un territoire. Un territoire insalubre, qui incarne une contamination, dont les hommes sûrement portent la responsabilité. (On pense à la pluie noire de Chiharu Shiota).

En se répandant, la forme charrie des images.

Elle est mouvement et elle crée le mouvement.

Elle remue la mémoire. Elle reflue des souvenirs collectifs et intimes où se mêlent des fantasmes. On se raconte des histoires.

On se souvient et on s’interroge ; on voudrait ne pas avoir grandi… On ne trouve pas les mots. On s’égare et l’on se tourne vers quelque croyance religieuse ou païenne, qu’importe tant que le rituel tient.

La forme s’ouvre par des flashs. Ceux-ci, percées lumineuses, révèlent, par exemple, des maisons ou des bols. Les maisons sont les foyers qui disent nos lieux, nos singularités. Elles sont des havres où l’on vit et se construit. Les bols de lait, nature morte à la précieuse nourriture originelle, sont le symbole de nos besoins fondamentaux. Maisons, bols de lait sont autant de motifs qui interrogent le rapport à nos racines.

Dans son mouvement, encore, s’offre quelque jardin d’ Arcadie, la nature vierge et luxuriante.On s’y ressourcerait… Or un danger latent transpire et des spectres hantent les espaces.

Ce territoire mobile, à la force tellurique, nous soulève et révèle notre impuissance, notre fragilité.

Le chien, miroir de l’homme, est loin de nous…

Cette forme, vague profonde en nous, dit le passage du temps et la fugacité de nos vies. Elle énonce la perte, la solitude.

Rien n’est plus in-tranquille.

Myriam Lavigne, 2017

Retour aux dessins